KIMBERLEY CLARKSON * U.C.

Blottie contre Tom, Lorène retrouva une attitude un peu plus calme. Il allait doucement de droite à gauche, d’avant en arrière. Le doux balancement qu’il exécutait l’apaisait.
A chaque blessure correspond un temps de guérison. La perte d’un enfant est une épreuve douloureuse. C’est plus qu’un deuil. Un démembrement. La perte d’une partie de soi-même sans une quelconque justification aussi plausible soit-elle.
Tom laissa Lorène sur le matelas, recouverte par les semblants de couverture. Elle avait le regard vide et le teint vitreux. Son corps vêtu par les tissus, seule un bras dépassait, touchant le sol sale du cabanon. Tom lui, la regardait, de la colère et de la compassion dans ses yeux. « Ca me tue tellement »... Elle ne trouva rien d’autre à répondre (d’une voix rauque) que :

« Moi, ça m’a tué... »

C’était sortit instinctivement, si bien qu’elle ne réalisa pas les mots qu’elle venait de dire à Tom. Elle le voyait assit sur la table, le goulot d’une bouteille porté à sa bouche. Elle l’appela, consciemment :

« Tom ? »

Il vint s’agenouiller près d’elle, au niveau de sa tête, qu’il regardait. Elle commença à lui parler, de la perte de son bébé, de tout, de rien. Et au fur et à mesure qu’elle disait les mots, les larmes venaient, de plus en plus nombreuses :

« Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant. Dis-le moi. C’est une punition ? Pour tout ce que j’ai fait de mal dans ma vie ? Pour avoir été une droguée ? Pour avoir fait du mal aux personnes que j’aime ? »

Elle renifla discrètement et continua, noyant ses mots dans ses larmes :

« J’ai besoin de comprendre pourquoi on m’a retiré tout le bonheur que j’éprouvais quelques mois plus tôt. »

Elle regarda par la petite fenêtre sale du refuge, les yeux baignés de larmes, et poursuivit :

« Ou on me l’a retiré parce que je ne le méritais pas. Hein ? » Elle regarda Tom. « Fiancée, mère au foyer, manager, à 2O ans... C’était trop beau pour moi. »

Tom la regardait, sans dire un mot. Peut-être se sentait-il impuissant face à tant de questions. Une larme perlait aux coins des yeux de Lorène.

« Tu as des réponses à mes questions, Tom ? Parce que moi, je n’en trouve aucune... »

Elle ferma les paupières, et les larmes coulèrent doucement sur ses joues. Elle rouvrit ses beaux yeux verts et lui demanda :

« Tu seras toujours là, hein ? » Elle l’attira près d’elle et chercha sa main qu’elle trouva. Puis, serrant fort sa main : « Tu me le promets ? ».

Il lui promit et elle fut rassurée, pendant un moment... Puis elle demanda d’une voix douce et calme :

« Tu veux bien rester à côté de moi ? J’ai besoin de quelqu’un. De toi. »

Il lâcha sa main et elle le regarda, se sentant abandonnée. Mais il la rassura, une seconde fois, en lui disant qu’il venait à côté d’elle. D’où le besoin de lâcher sa main.
Il s’allongea près d’elle, elle s’agrippa à son bras, et posa sa tête dessus. Avec son autre main, elle rechercha sa main, qu’elle ne lâcha pas jusqu’à ce qu’elle s’endorme.
Quelques heures plus tard, elle se réveilla, la main de Tom toujours dans la sienne, sa tête dans le creux de son épaule, les yeux rougis d’avoir trop pleuré. Elle garda un contact avec Tom en gardant sa main dans la sienne, mais se redressa. Elle replia ses genoux contre sa poitrine. Puis elle alluma son mp3.
« 9 Crimes » de Damien Rice.
Elle l’écoutait attentivement, ressentant chaque note. Elle avait des frissons à chaque parole que le chanteur prononçait. Mais surtout, et ça lui semblait étrange, elle avait l’impression que Tom l’écoutait aussi, comme si elle le lui faisait ressentit la chanson en lui tenant la main...
A chaque blessure correspond un temps de guérison. La perte d’un ami est une épreuve douloureuse. C’est plus qu’un deuil. Un démembrement. La perte d’une partie de soi-même sans une quelconque justification aussi plausible soit-elle...